Bonjour à toutes et à tous,
Voici un point sur le déconventionnement des falaises dans les Bouches-du-Rhône.
Depuis de nombreux mois, suite aux directives nationales concernant le déconventionnement, les présidents de Comités Territoriaux négocient avec les collectivités ( communes, intercommunalités, département) afin de partager les responsabilités et ainsi de maintenir l’entretien et l’accès aux sites d’escalade. Dans certains départements cela se passe mieux que dans d’autres, et nos instances dirigeantes nous ont à maintes fois cité l’exemple du 34 ; nous pourrions aussi citer l’Ardèche, les Alpes de Hautes -Provence, la Loire et la Haute-Loire, bientôt le Vaucluse et d’autres encore…souvent des petits ou moyens départements où les sports de pleine nature ont la côte et participent au développement économique des territoires.
L’Hérault qui n’est pas un petit département n’a jamais négligé l’économie du tourisme, et a suivi l’exemple de l’Ardèche et le développement des sports de pleine nature pour dynamiser son arrière-pays.
En ce qui concerne les Bouches-du-Rhône, nous avons l’avantage et l’inconvénient d’être à priori un département avec des moyens financiers conséquents, sans arrière-pays, la pauvreté est en grande partie à Marseille. Pendant très longtemps l’économie liée au tourisme n’était pas une priorité, en effet entre les ports, les sites industriels, toutes les zones d’activités et les zones maraichères du nord du département, le tourisme restait confidentiel et ne concernait que quelques points particuliers ( littoral, Alpilles, Sainte Victoire..). De ce fait, il me semble que pendant longtemps, il n’y a pas eu une véritable politique départementale de développement du tourisme dans le 13 et encore moins liée aux sports de pleine nature. Si effectivement depuis quelques années ce paradigme a un peu changé nous sommes encore loin de la reconnaissance des sports de pleine nature dans l’économie départementale, et l’escalade est plus considéré comme une charge que comme une source de recettes.
Nous nous trouvons donc face à un département qui est très frileux vis-à-vis de l’escalade et qui ne souhaite pas trop s’engager dans les responsabilités à assumer (ce qui n’est pas le cas des départements cités ci-dessus). Il nous appartient donc de trouver des solutions locales au cas par cas.
Concernant les Calanques, je rappelle que nous avons déconventionné avec le Conseil Départemental et l’ONF après plus d’un an de discussion et d’explications, et nous sommes toujours dans une situation de blocage concernant les terrains du Conseil Départemental et de l’ONF. Si actuellement, les deux grands autres gestionnaires (Marseille et Conservatoire du Littoral) nous laissent entretenir les sites, ce n’est pas le cas du Conseil départemental et de l’ONF qui acceptent à contre cœur la pratique de l’escalade sur leurs propriétés et à la condition que cette pratique soit classée en TA (Terrain d’Aventure). Afin d’essayer de débloquer la situation le PNC a fait appel à des juristes…Concernant la commune de Cassis, d’âpres discussions sont en cours.
En ce qui concerne les autres territoires du département, dans le cadre de la dénonciation des conventions nous sommes actuellement en discussion avec Mouriès, Aureille, Orgon, Eyguières, Château-Virant et Roquevaire mais rien n’est finalisé et nous sommes inquiets pour Eyguières et Roquevaire où l’accès risque d’être limité.
Nous devons encore prendre contact avec Le Paradou, Cadolive et Meyrargues avec un risque d’interdiction pour ces deux dernières. Pour mémoire, nous avons déjà déconventionné Tarascon (vallon de la Lecque), Saint-Rémy et La Fare-les-Oliviers.
Pour débloquer les situations, nous proposons des contrats d’entretien (rémunérer ou gracieux) mais cette politique a ses limites car vu les contraintes de ce type de contrat, un nombre trop important nous mettrait en difficulté pour tenir nos engagements, nous plaçant ainsi dans une situation assurantielle délicate.
Concernant le massif de Sainte-Victoire, un certain statu quo est de mise pour l’instant, avec l’administration du Grand Site et les discussions se poursuivent. Par contre, vu les polémiques existantes entre grimpeurs sur ce massif, le comité s’est peu impliqué dans le rééquipement.
Sinon, pour l’instant pas de problème particulier pour les sites situés sur le piémont de la Sainte-Baume.
Apres ce petit point de la situation Bucco-Rhodanienne ; pour les moins initiés à la problématique assurantielle de la gestion des SNE, mais aussi pour mémoire pour les autres, vous trouverez ci-dessous une petite synthèse (j’ai essayé de faire court) que j’ai réalisé à partir de divers documents fédéraux..
Résumé de la problématique assurantielle des SNE :
Les sites naturels d’escalade (SNE) appartiennent soit à des propriétaires privés, soit à des propriétaires publics (essentiellement communes).
Lorsqu’ils appartiennent à des personnes publiques, les SNE font généralement partie de leur domaine privé (donc soumis au même régime judiciaire qu’un particulier).
Pendant 30 ans, la FFME a permis l’accès à de nombreux sites d’escalade en passant des conventions d’usages avec les propriétaires de falaises (privés ou collectivités). Ces conventions ne devaient concerner que les sites dits « sportifs » (voies d’une à deux longueurs), par déviance certaines ont intégré des sites à « grandes voies » voire du terrain d’aventure.
Ainsi, plus de 1000 conventions ont été signées.
– Les conventions d’usage comportent toutes une clause de transfert de la garde du site vers la FFME au sens de l’article 1242 alinéa 1 du code civil.
– Ce statut de gardien implique la responsabilité sans faute en cas de dommage subi par une victime (le propriétaire est systématiquement responsable, sauf rares exceptions).
– L’acceptation des risques par la victime n’est pas une cause d’exonération de la responsabilité du gardien (arrêt de la cour de cassation du 3 novembre 2010)
Le 3 avril 2010, survient un accident grave sur un site d’escalade appartenant à la commune de Vingrau. Site conventionné (convention du 7 juillet 1990)
Cause de l’accident : chute d’un rocher qui s’est détaché de la paroi sur laquelle le grimpeur progressait…
Les victimes engagent une action en responsabilité devant le juge judiciaire à l’encontre de la FFME et de son assureur
Les causes d’exonération possibles (faute de la victime, force majeure) sont rejetées par le juge.
La FFME est jugée entièrement responsable de l’accident sur le fondement de l’article 1242 al. 1er du code civil, et condamnée à 1,2 M€ de dommages et intérêts (jugement du 14 avril 2016). Confirmé par la cour d’appel le 21 janvier 2019 et la cour de cassation en juillet 2020.
La mise en exergue de la « responsabilité sans faute » dans ce jugement fait reporter sur la FFME de nombreuses responsabilités et un risque assurantiel qu’elle ne peut plus assumer seule…
La politique de conventionnement actuel fait courir à la FFME des risques assurantiels et financiers excessifs au vu du nombre important de conventions.
Ces risques sont supportés pour une population qui dépasse très largement les licenciés.
La FFME initie donc deux axes d’évolution :
1) Partage des responsabilités avec les collectivités territoriales (le déconventionnement) :
Les communes ou départements reprennent la garde de la falaise.
L’entretien de la falaise est assuré par le comité territorial FFME (à titre gracieux ou pas) ou par des intervenants privés rémunérés par la collectivité.
2) L’évolution législative :
2 options :
– Soit un régime d’exonération pure et simple de responsabilité du propriétaire
– Soit un simple régime d’atténuation de responsabilité du propriétaire
La FFME privilégiait la première option, celle-ci a failli aboutir lors d’une proposition de loi adoptée par le Sénat en janvier 2018, mais le gouvernement s’y est opposé (ce dernier souhaite privilégier l’indemnisation de la victime).
En septembre 2020, dans le cadre de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, un amendement visait à insérer dans le code du sport un article L. 311-1-1 ainsi rédigé : « Le gardien de l’espace naturel dans lequel s’exerce un sport de nature n’est pas responsable des dommages causés à un pratiquant sur le fondement de l’article 1242 du code civil, lorsque ceux-ci résultent de la réalisation d’un risque normal et raisonnablement prévisible, inhérent à la pratique sportive considérée ». On se dirigeait donc tout droit vers une évolution législative qui, certes n’était pas tout à fait celle espérée, mais qui n’en constituait pas moins une avancée notable.
Malheureusement le 3 décembre dernier cet article de loi est déclaré « cavalier législatif » par le Conseil Constitutionnel, autrement dit de dispositions dépourvues de tout lien, même indirect, avec le projet de loi initial. Le Conseil Constitutionnel a donc censuré 26 articles de cette loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dont celui qui nous intéressait tout particulièrement.
Dont acte, il faudra donc que la FFME et les parlementaires sensibles à ces préoccupations trouvent, dans les mois qui viennent, un nouveau véhicule législatif (le bon support pour porter l’amendement).
Peut-être, sur la proposition de loi du Sénat n° 678 portant réforme de la responsabilité civile. En l’état, celle-ci comporte en effet un article 2 privilégiant un régime d’exonération pure et simple de responsabilité du propriétaire dans le cadre des sports de pleine nature.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos interrogations
Jean Claude Grand
Président du CT13 FFME